Afrique : la réussite de la ZLECAF passe par l’urgence d’une architecture financière continentale (Experts)

Pour réussir la ZLECAf, l’Afrique doit bâtir une architecture financière continentale intégrée, incluant banque centrale, fonds monétaire et bourse. Les PME, moteur de l’économie réelle, restent mal desservies par les financements existants.

Une finance qui fonctionne pour l’Afrique est indispensable pour réussir le marché unique que les dirigeants du continent construisent autour de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf). Une reconnaissance signée par les experts qui participent à des échanges organisés par Making Finance Work for Africa (MFW4A), en marge des assemblées annuelles du groupe de la Banque africaine de développement, qui se déroulent jusqu’au 30 mai prochain à Abidjan, en Côte d’Ivoire.

Le Docteur Patrick Ndzana Olomo, économiste camerounais et chef de division des politiques économiques et du développement durable au sein de la Commission de l’Union Africaine, lui, estime que le marché unique régional a besoin d’une «vision financière souveraine, structurée et ancrée dans les besoins réels du continent ». Il a estimé, de ce point de vue, qu’il est plus qu’urgent de compléter l’architecture financière africaine avec une banque centrale, un fonds monétaire, une banque de financement de l’investissement et un marché financier (bourse) au niveau continental.

Au niveau de l’Union Africaine, ces questions surviennent en parallèle d’une économie réelle, qui repose essentiellement sur un réseau de très petites, petites et moyennes entreprises (TPME et PME), avec divers degrés de formalisation, qui sont celles ayant le plus besoin de financement. Selon des études et conclusions concordantes, les TPME et PME, formelles ou non, contribuent jusqu’à 60 % des richesses supplémentaires créées par les économies du continent et offrent 90 % des emplois, constituant ainsi un vecteur de consommation, d’épargne et de petits investissements privés.

Ces PME sont également actives depuis très longtemps dans le commerce régional, à travers des corridors historiques qui les relient, par exemple, de Dakar (Sénégal) à Bamako (Mali), de Ouagadougou (Burkina Faso) à Cotonou (Bénin), ou encore de Lagos (Nigeria) à Douala (Cameroun). À cela s’ajoute un marché unique des produits alimentaires bâti autour des Grands Lacs, impliquant des pays comme la République Démocratique du Congo (RDC), la Zambie, la Tanzanie, le Kenya, le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi et, dans une certaine mesure, l’Angola.

Et pourtant, les solutions formelles de financement pour ces types d’acteurs économiques sont rares. Lors des échanges, la Banque Africaine de Développement a évoqué les différentes solutions qu’elle met en œuvre pour accompagner l’intégration des marchés africains, citant le soutien à la création de la Banque Africaine de Financement de l’Import-Export (Afreximbank), l’accompagnement de nouvelles banques régionales, comme celle d’Afrique de l’Est, et l’ATIDI, une institution de couverture des risques commerciaux dans la région.

Les experts estiment que ces mécanismes restent difficilement applicables aux unités économiques africaines, qui demeurent relativement modestes. Une solution évoquée a été celle des banques commerciales qui, grâce à des fonds de garantie ou des apports en fonds propres d’institutions de financement du développement, ont permis de soutenir des réseaux de PME, notamment celles actives dans les fintechs ou gérées par des femmes. Toutefois la durabilité de telles initiatives reste incertaine.

Il faut noter que les secteurs bancaires des pays africains demeurent très fragmentés en raison des objectifs de régulation qui diffèrent. Cette situation a été reconnue par le Dr Djoulassi Kokou Oloufade, secrétaire exécutif de l’Association des Banques Centrales d’Afrique (ABCA). Selon lui, il reste difficile d’harmoniser les objectifs de politiques monétaires des banques centrales africaines, qui doivent répondre à des problématiques variées : certaines ciblent une réduction de l’inflation, d’autres assurent la stabilité de la monnaie, tandis que d’autres doivent faire face à ces deux défis simultanément.

Au cours des échanges, il est ressorti que des discussions sont en cours entre l’Union Africaine et les banquiers centraux africains pour parvenir à des options pertinentes. Cependant, l’Afrique reste marquée par la faible liquidité de ses économies et par la réticence des banques centrales à autoriser des créations monétaires massives, comme cela a été le cas avec la politique d’assouplissement quantitatif aux États-Unis, qui a soutenu l’essor du capital-risque et conduit à des afflux de capitaux en Afrique.

Avec Zoom Eco

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